Les mines de Trémuson

Un site bien caché

Si l’on n’est pas Trémusonnais depuis très longtemps, on peut ignorer qu’en périphérie de notre commune, au lieu-dit "Les Mines", il existe une sorte de Bourg-Bis dont l’histoire pour le moins originale mérite le détour.

Depuis le Pont des Isles, on arrive encore à apercevoir les ruines des bâtiments de la fonderie, d’autant mieux que le défrichement entrepris avant la construction de la rocade de transit de Saint-Brieuc a dégagé une partie de l’ancien conduit qui reliait à même le sol les bâtiments à la cheminée verticale qui, au sommet de la pente, dominait la vallée.

Pendant la guerre 39-45, cette dernière a été rasée par les Allemands car elle servait de repère aux avions alliés qui venaient bombarder l’ancien aéroport.

Une très vieille histoire

On sait depuis fort longtemps que les filons de plomb argentifère sont abondants en Bretagne et notamment dans les Côtes d’Armor. Les origines de la mine de Trémuson sont romaines, cela a été prouvé lorsque l’on a trouvé en 1898 des tuiles romaines attestant d’un chantier d’exploitation romain. On a également mis à jour des pièces à l’effigie de plusieurs empereurs romains.

La commune de Trémuson a toujours occupé une place de choix, elle était située sur l’ancienne voie romaine qui allait de Corseul à Morlaix, puis sur l’ancienne Nationale 12. Le site des mines de Trémuson a donc toujours bénéficié de sa position sur un axe majeur de communication, de même que de sa localisation dans la vallée du Gouët et de sa proximité avec le port du Légué.

Cette mine a été, au fil des siècles, fermée, puis rachetée, abandonnée, et ouverte à nouveau un nombre de fois conséquent. Elle a fait l’objet de nombreuses convoitises et a connu de nombreux propriétaires.

On peut noter qu’au 18ème siècle, la Bretagne fournissait les deux tiers de la production nationale de plomb. Les filons de Trémuson et des Boissières ont été mis ou remis à jour à cette époque par les travaux du grand chemin de Lanvollon à Saint-Brieuc.

La réouverture en 1920

En 1920, on ne trouve dans le « vallon des mines », au creux duquel coule le Gouët, que le moulin des Isles et le café de la Combe. La transformation du paysage va débuter avec l’extraction du minerai.

En 1924 est édifiée la fonderie mentionnée précédemment, et de la main-d’œuvre étrangère commence à arriver.

En 1925 est construite à flanc de coteau, une laverie pour le broyage, le tri, et le nettoyage du minerai extrait notamment du puits des Cruhauts situé à proximité. Depuis le puits du Cavalier situé sur Plérin, de l’autre côté de la vallée, fut construit un téléphérique long de 370 mètres. Ses cables supportaient des bennes qui déversaient le minerai directement à la laverie.

Ce minerai lavé était ensuite acheminé par une voie ferrée, la voie Decauville, jusqu’à la fonderie distante d’environ 200 mètres. Les wagonnets étaient tirés par une locomotive.

Une main d'œuvre cosmopolite

Aussitôt après la guerre, la France est en pleine reconstruction et la reprise de l’activité de la mine crée un véritable espoir. Elle va permettre de diversifier l’économie locale, de fixer la population et de limiter l’exode rural qui vidait les campagnes. Ainsi en 1920, la population de Trémuson n’est que de 700 habitants, tandis que dès 1928, elle est de 1700 habitants, dont 1000 habitants aux mines.

Pourtant, la main d’œuvre locale est insuffisante et peu qualifiée. La direction de la mine fait alors appel à des ouvriers étrangers ayant une certaine expérience du travail de la mine et qui seront payés moins cher. Ils viennent pour la grande majorité d’Europe, 7 nationalités sur 12 sont d’Europe de l’est, principalement de Pologne, Tchécoslovaquie, Allemagne, Arménie, Autriche, Russie et Serbie. Les autres sont Italiens, Espagnols, Belges, Suisses et Portugais.

Le nombre maximum d’ouvriers employés à la mine a été de 814 en 1927. La main d’œuvre locale a cependant toujours été au moins deux fois plus importante que la main d’œuvre étrangère, contrairement à ce que pensaient les autochtones qui semblaient déjà souffrir du syndrome du «  plombier polonais ».

La cité ouvrière

La trace la plus visible du passé minier de Trémuson est incontestablement sa cité ouvrière. La direction de l’usine s’attachait à ce que les familles étrangères soient logées sur place en rejoignant le père employé à la mine. Un moyen de stabiliser la main d’œuvre.

« Les maisons poussaient comme des petits pains » dira Albert Le Page, un ancien mineur interrogé en 1981 par les élèves de l’école. Ces maisonnettes avaient une base en agglos sur laquelle on fixait des plaques de fibro ciment. Le toit aussi était en fibro. Il fallait à peine quinze jours pour édifier deux maisons, et elles étaient livrées tapissées et peintes. Il semble, d’après les photos, qu’il y ait eu trois types de maisons de taille différente, chacune étant attribuée en fonction du nombre de personnes qui composait la famille.

Des documents mentionnent que l’on trouve « 79 maisons ouvrières comprenant 130 logements et 75 jardins, ainsi que 15 corons de 12 pièces chacun ». Beaucoup de ces maisons ont disparu aujourd’hui, témoigne monsieur Le Page.

Les mineurs payaient un loyer, mais la direction finançait la literie, de même que le « pétrole » des lampes à carbure qu’ils utilisaient pour s’éclairer dans la mine et qu’ils étaient autorisés à remonter pour leur usage personnel dans les maisons.

L’électricité éclairait cependant la mine et ses lieux publics dès 1924. Le bourg ne connaîtra cet avantage qu’en 1927. La mine fut aussi la première à bénéficier du service des postes, une boîte aux lettres y fut installée en 1928.

Le travail du mineur

Très dur. Très physique et pénible. Les mineurs utilisaient une perforeuse, un marteau piqueur à air comprimé et des explosifs. On imagine le bruit, et la quasi-obscurité, dans le milieu fermé des galeries souvent basses et étroites. La dynamite utilisée dégageait des gaz, « ils nous prenaient à la tête et on était obligés de sortir au jour » précisait monsieur Le Page. Mais le plus pénible était sûrement de travailler dans l’humidité permanente. Il ajoutait : «  On a creusé jusqu’à 220 mètres de profondeur, les pompes n’arrêtaient pas de tourner, il y en avait à tous les niveaux ». Les hommes portaient des cirés car il « pleuvait » dans la mine. Ils avaient sur la tête un chapeau dur pour se protéger de l’eau, des éboulements, et d’éventuelles projections. Aux pieds, des sabots.

La mine ne s’arrêtait jamais de fonctionner, sauf le dimanche et les jours fériés. Il n’y avait pas de congés à cette époque. Il y a eu jusqu’à 367 hommes affectés au fond, fonctionnant suivant le système des 3/8. On était payés à l’avancement, des métreurs passaient tous les 15 jours faire des relevés.

Le contact permanent avec le plomb était dangereux pour la santé. Les fondeurs semblaient en souffrir plus que les autres, ils avaient parfois des coliques. « Il arrivait que certains ne puissent plus bouger, ils étaient alors dans l’obligation d’abandonner leur travail. »

Les accidents dans la mise

Ils étaient plutôt fréquents et particulièrement violents lorsqu’ils étaient dûs aux explosions de mines. Ce qui est arrivé 7 fois sur 27 accidents graves déclarés. C’étaient ensuite les éboulements qui faisaient le plus de victimes, puis les éclats reçus dans les yeux. On note une totalité de 223 accidents recensés.

Il faut préciser que si l’ouvrier accidenté avait commis une imprudence ou était déclaré responsable, il n’avait pas le droit aux secours sous quelque forme que ce soit. C’est d’ailleurs ce qui arrivait dans la grande majorité des cas.

Monsieur Ernest Pédron, ancien mineur également, interrogé par une radio locale en 1987, raconte : «  Monsieur Le Provost était enseveli sous la terre, au bout du troisième jour, tout le monde était là, un cercueil avait été amené… lorsqu’ils ont entendu parler. Quand ils l’ont délivré, ils l’ont remonté lentement à la surface pour qu’il s’oxygène peu à peu. Quelques jours plus tard, il a repris son travail à la mine. »

La vie, les loisirs

Le dimanche, les moments de loisirs étaient consacrés aux petits lopins de terre attenants à la maison. Sinon, les cafés de La Combe et de L’Egoût étaient les seuls « centres culturels » où les hommes pouvaient momentanément oublier la dureté du travail.

Les mineurs avaient la possibilité de manger à la cantine qui se trouvait à l’endroit où Mr et Mme Toquet avaient un magasin. Le jour de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs, était très attendu. Un bal était donné dans la cour de la cantine. L’alcool coulait à flots. Les hommes étaient souvent ivres et les bagarres fréquentes.

La fin en janvier 1931

Quand l’exploitation de la mine a cessé, des ouvriers du fond disaient qu’il n’y avait jamais eu autant de minerai qu’à ce moment-là.

Les patrons, les frères Dufourg, pour éviter toute confrontation judiciaire, ont brûlé les documents compromettants dans une galerie difficile d’accès. Jean Dufourg a pourtant été condamné en 1934 pour faillite frauduleuse à 4 ans de prison par le tribunal de Saint-Brieuc.

80 ans après, cette petite rétrospective dans notre bulletin d’information est l’occasion de rendre hommage à tous ces hommes qui ont travaillé si durement, tant au fond qu’à la surface… parce qu’il fallait bien gagner sa vie !